La domestication de l’abeille
La domestication de l’abeille est une étape fascinante qui s’étend sur plusieurs milliers d’années. Mais comment est-elle arrivée jusqu’à chez nous ?
L’origine de l’abeille :
Les abeilles mellifères appelées notamment “Apis Mellifera” ont coexisté avec les humains depuis la préhistoire. Avant toute domestication les hommes récoltent le miel de façon sauvage directement dans les forêts. Des preuves archéologiques montrent l’existence des abeilles il y a 8 000 ans, avec une arrivée sur terre il y a environ 100 millions d’années. On a notamment retrouvé des peintures rupestres en Espagne montrant des chasseurs récoltant le miel dans la nature. Cette activité encore pratiquée de nos jours dans certains pays reste très risquée car elle implique d’arracher les rayons de miel directement dans le nid, souvent au détriment de la colonie et avec risque de piqûres importantes.

Les premières domestications :
La domestication commence vers 4 000 à 3 000 ans avant Jésus-Christ dans les régions du Proche-Orient et en Égypte ancienne. Les humains ont commencé à élever les abeilles dans des ruches très rudimentaires souvent faites d’argile, de bois, dans des troncs d’arbres creusés ou encore de paille avec des paniers tressés à la main. Ces ruches avaient la forme de cylindre. Elles ont permis à l’homme de contenir les colonies d’abeilles et de récolter leur miel plus facilement sans détruire systématiquement leur constructions. Les Égyptiens, en particulier, utilisaient des ruches en terre cuite. Le miel était associé à des usages médicaux et religieux, ce qui valorisait cette ressource.
Développement des techniques apicoles :
Les Grecs et les Romains ont perfectionné les pratiques de l’apiculture avec la rédaction des premiers ouvrages sur les abeilles. Ce fut une époque avec beaucoup d’observations et d’interprétations de la nature. Les ruches étaient en paille de seigle ou roseaux tressées appelées des “Skeps”, un modèle en cloche très répandu en Europe.
L’apiculture Monastique :
À l’époque du Moyen-Âge et de la Renaissance, l’apiculture s’est répandue en Europe, souvent pratiquée dans des monastères comme on en retrouve encore aujourd’hui. Pour la petite histoire, j’ai moi-même un rucher installé depuis des années dans un couvent auprès des religieuses. Le miel était un produit précieux utilisé comme édulcorant, conservateur ou encore médicament. Les méthodes de récolte restent artisanales, souvent au détriment des abeilles.
Le tournant de l’apiculture :
Le 19e siècle est un tournant pour l’apiculture avec l’apparition des ruches à cadre mobile. L’apiculture connaît une révolution majeure grâce au pasteur américain Lorenzo Langstroth. Il invente en 1851 la première ruche à cadre mobile, permettant de manipuler les rayons sans détruire la colonie. Cette innovation a révolutionné l’apiculture moderne, rendant la gestion des abeilles plus efficace et durable. Son invention a été tirée de la découverte de l’espace entre les rayons de cire : un petit espace que les abeilles laissent entre les rayons, permettent de les décrocher entre eux. La ruche Langstroth est encore utilisée de nos jours par les apiculteurs professionnels mais reste plutôt présente en Amérique du Nord.Une innovation qui a permis une meilleure gestion de la ruche, moins stressante pour les abeilles ; mais aussi une augmentation de la production de miel et le développement d’une apiculture industrielle et commerciale.

Côté recherche, le biologiste Karl von Frisch (1886-1982) a fait des recherches révolutionnaires sur la communication des abeilles. Il découvre que les abeilles communiquent la localisation d’une source de nourriture grâce à une danse codée de frétillement. Il démontre que les abeilles perçoivent les couleurs, y compris l’ultraviolet, et distinguent les odeurs. Ses premières publications sur les abeilles ont été écrites en 1923, lui donnant la remise du Prix Nobel en 1973.
L’apiculture contemporaine :
Aujourd’hui l’apiculture est une activité de tradition. Les apiculteurs utilisent des ruches modernes, des équipements de protection et parfois des technologies comme le suivi numérique des ruches. Les ruches ont-elles aussi évolué avec l’arrivée du plastique. Un composant qu’apprécie de plus en plus les apiculteurs notamment pour les nourrisseurs ou encore les planchers. De nombreux inventeurs ont voulu construire à leur tour leur propre ruche en ajustant les dimensions comme l’arrivée de la ruche Dadant (1863, inventé par le Français-Américain Charles Dadant), très utilisée en France ; de la ruche Warré en 1948 ; puis de la ruche Kényane en Afrique (1960) ; jusqu’à l’apparition de la ruche Flow Hive en 2015 en Australie, permettant de récolter le miel sans ouvrir la ruche.
La domestication des abeilles est devenue cruciale pour l’agriculture mondiale par son rôle de pollinisateur. La gestion des abeilles s’inscrit désormais dans une préoccupation écologique, notamment face aux menaces comme les pesticides, les parasites (Varroa) et les maladies, les prédateurs ou le manque de fleurs qui causent la disparition progressive de l’espèce.
La domestication de l’abeille est passée d’une simple collecte du miel sauvage à une gestion scientifique et technologique des colonies avec un impact majeur sur l’économie, l’agriculture et l’écosystème.
La fumée face aux abeilles
L’utilisation de la fumée pour calmer les abeilles remonte à plusieurs millénaires. Dès l’Antiquité, il y a plus de 4000 ans, l’homme a compris que la fumée allait lui permettre de manipuler les abeilles. Avant l’arrivée de l’enfumoir, des torches fumantes ont été utilisées pour calmer les abeilles avant de prélever les rayons. On y faisait brûler des herbes sèches.
Des représentations montrent des apiculteurs utilisant la fumée pendant l’antiquité avant qu’Aristote ne mentionne son usage durant la période de la Grèce antique.
On observe que la fumée rend les abeilles plus docile lors de l’ouverture de la ruche. Cette méthode sera utilisée jusqu’au Moyen-Âge. Ce n’est qu’en 1873 que l’enfumoir moderne arrive. L’apiculteur américain Moses Quinby invente l’enfumoir à soufflet encore utilisé de nos jours. Il permet de produire une fumée froide et maîtrisée ce qui améliore énormément la gestion des ruches.
Le principe de la fumée est de désactiver les phéromones d’alerte et induire un comportement de fuite calme chez les abeilles.
Aujourd’hui, la technologie a permis à l’homme d’automatiser son outil en créant l’enfumoir électrique !

La création des races
La création des races d’abeilles, ou plus précisément des souches (ou lignées) est une histoire ancienne pour l’apiculture.
Avant l’intervention de l’homme, les abeilles se développent librement et s’adaptent naturellement à leur environnement local. Les races se sont créées suite à l’isolation géographique de certaines souches.
De son nom courant, l’Abeille noire (Apis mellifera mellifera), trouve son origine en Europe de l’Ouest et du nord. D’autres sous-espèces se sont isolées comme l’italienne ou encore la caucasienne.
Il faudra attendre le 18e siècle pour voir apparaître la sélection des colonies par les apiculteurs. Cette sélection s’appuie sur plusieurs points comme la docilité, la production de miel, et la résistance au climat local.
L’amélioration et l’émergence génétique arrivera au courant du 20e siècle. On développe des méthodes d’insémination artificielle des reines et de croisements entre races pour en combiner les avantages. C’est en 1916 qu’arrive l’abeille Buckfast (très utilisée de nos jours), créée par le frère Adam en Angleterre. L’objectif de la sélection était de rendre des souches calmes sur les cadres, mais aussi de limiter l’essaimage et d’accentuer la résistance aux maladies (comme Varroa).

Mais tous ces tests génétiques n’ont pas forcément été toujours concluants comme l’a montré la création de l’abeille africanisée en 1956 devenue agressive et invasive.
Suite à cela, arrive le retour des races locales et de la sélection douce au 21e siècle. Des programmes de sauvegarde des sous-espèces locales ont été mis en place comme la préservation de l’abeille noire par des conservatoires en France, en Suisse, en Espagne et au Royaume-Uni.
L’histoire aura encore de nombreuses choses à nous faire découvrir…
Comme d’habitude, partagez-nous vos photos : on les publiera sur notre site depuis les réseaux sociaux avec le hashtag : #apifonda #apiinvert !
On se retrouve dès le mois prochain sur votre blog API avec votre fidèle partenaire, Les Ruchers De Mathieu !

LES RUCHERS DE MATHIEU
Miellerie & Magasin d’Apiculture
Photos ©lesruchersdemathieu